Jeux vidéo & psychologie #03
Au menu de l’infolettre Jeux vidéo et psychologie #3 des études sur les liens entre l’addiction aux jeux vidéo, les caractéristiques sociales, les mécanismes de coping, la dépression, le refus scolaire anxieux, un cas de médecine légale, une étude qui contextualise le temps d’écran dans le développement des enfants, et une autre qui évaluent l’effet des jeux vidéo sur le contrôle émotionnel
Schmit, S., Chauchard, E., Chabrol, H., & Sejourne, N. (2011). Évaluation des caractéristiques sociales, des stratégies de coping, de l’estime de soi et de la symptomatologie dépressive en relation avec la dépendance aux jeux vidéo en ligne chez les adolescents et les jeunes adultes. L'Encéphale, 37(3), 217-223.
Quelles sont les caractéristiques des personnes dépendantes aux jeux vidéo. Pour répondre à cette question, les auteurs ont analysé les réponses de 158 questionnaires évaluant la dépendance aux jeux vidéo, les stratégies de coping, l’estime de soi, les relations interpersonnelles et la dépression. Les auteurs trouvent que les personnes dépendantes se différencient des autres par un temps de jeu plus important, un coping centré sur l’émotion, un score de solitude, d’isolement social et de dépression plus important. les personnes dépendantes ont aussi un score moyen d’appartenance dans la vie virtuelle plus important. une des conclusions est donc que la dimension sociale est fortement corrélée à l’addiction aux jeux vidéo. la faible estime de soi est également un prédicteur de l’addiction aux jeux vidéo qui peuvent être décrits comme une activité palliant cette mauvaise estime de soi.
Boussand, E., Phan, O., & Benoit, L. (2021). Refus scolaire anxieux et addiction aux jeux vidéo chez les adolescents: Une revue narrative de la littérature. Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, 69(5), 241-252.
Une revue de la littérature regroupant 32 articles ne permet pas de faire le lien entre le refus scolaire anxieux et les jeux vidéos . Le refus scolaire anxieux est défini par les critères suivants : la réticence ou le refus de l’enfant à aller à l’école ; l’enfant ne cache pas son absentéisme ; l’enfant n’a pas comportement de comportement antisocial sévère ; les parents ont fait des efforts raisonnables pour assurer la fréquentation scolaire. L’addiction aux jeux vidéo est définie par l’IGD et le GD. Des études longitudinales, transversales et des études de cas permettent d’approcher la relation entre le refus scolaire anxieux et l’addiction aux jeux vidéo, les facteurs de risque communs entre les deux entités. Pour les auteurs, des facteurs communs comme la souffrance scolaire, les vulnérabilités individuelles et familiales contribuent à l’émergence et au maintien des deux comportements
Les études longitudinales ne permettent pas de conclure à une relation de causalité entre les addictions aux jeux vidéo est le refus scolaire anxieux. les études transversales trouvent une relation entre l’absentéisme scolaire et la dépendance aux jeux vidéo. Les études cliniques suggèrent que le mal-être précède l’addiction. un comorbidité entre des troubles comme la phobie sociale ou le refus scolaire anxieux et l’addiction aux jeux vidéo est trouvée sans que la direction de la causalité soit établi
De nombreux facteur commun sont trouvés entre addiction aux jeux vidéo et refus scolaire anxieux. La dépression, le trouble déficit de l’attention, la phobie sociale sont fréquemment associés aux deux entités. Au niveau des traits de personnalité, la faible estime de soi, la timidité, l’introversion sont des caractères communs. L’anxiété liée aux pressions scolaires ou du monde adulte, l’organisation de la famille autour du problème de l’adolescent, des liens familiaux fragiles ou l’inquiétude d’un enfant pour son parent sont aussi des éléments communs aux deux entités
Gaetan, S., Therme, P., & Bonnet, A. (2015). L’utilisation addictive des jeux vidéo est-elle une solution adaptative à la perception de soi et à la symptomatologie dépressive des jeunes adolescents (11–14 ans)?. Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, 63(4), 250-257.
Pour Gaetan et ses collègues, ce qui est appelée addiction aux jeux vidéo est la conscience d’une dynamique dépressive qui conduit des adolescents à se réfugier dans les jeux vidéo. L’avatar est tune version virtuelle alternative et compensatrice du soi qui réduit l’écart entre le soi actuel et le soi idéal.
À partir de l’analyse de données issues de 74 adolescents agés de 11 à 14 ans, les auteurs explorent l’utilisé addictive des jeux vidéo au regard de la perception de soi et de la dépression. L’addiction aux jeux vidéo a été mesurée avec la Game Addiction Scale, la perception de soi avec le Profil des perceptions de soi et la dépression avec la Child Depression Inventory. Les auteurs ont évalué la perception du soi réel et la perception du soi virtuel.
Pour les auteurs, l’avatar permet d’augmenter la perception que l’adolescent a de lui-même. Cet élément est important parce que les adolescents qui ont une symptomatologie dépressive (20,27% de l’échantillon) ont aussi tendance à voir une perception de leur soi réel et virtuel inférieur à celui des autres adolescents. Mais ils ont aussi tendance à percevoir leur soi virtuel comme plus compétent que leur soi réel. par ailleurs, les adolescents qui sont addicts aux jeux vidéo (19,91%) ont tendance à avoir des traits dépressifs plus importants que les autres
Pour les auteurs, l’avatar dans les jeux vidéo permet de rehausser la perception que l’adolescent se porte à lui-même. En contrepartie, cela augmente l’écart avec le quotidien, ce qui a pour effet de renforcer la dépression et les comportements addictifs. Le processus addictif serait a la fois cause et conséquence d’une souffrance personnelle. Le processus devient addictif lorsque l’adolescent dépend des jeux vidéo dans le processus de restauration identitaire, ce qui l’amène à répéter le comportement compensateur. Ils font l’hypothèse que la conduite addictive réside dans une identification dans l’avatar, qui devient ainsi le prolongement du joueur
Les auteurs rapportent le cas d’une personne morte par asphyxie pendant un jeu autoérotique et masochiste. La victime est décrite comme un joueur compulsif de jeux vidéo. Les auteurs pensent que le jeu masochiste et les jeux vidéo étaient liés parce que la victime avait enregistré la scène avec son téléphone portable.
Villani, D., Carissoli, C., Triberti, S., Marchetti, A., Gilli, G., & Riva, G. (2018). Videogames for emotion regulation: a systematic review. Games for health journal, 7(2), 85-99.
La revue de la littérature de Villani et ses collègues met en évidence que les jeux vidéo sont utilisés dans le cadre de la régulation émotionnelle. Cette régulation émotionnelle est importante parce que qu’elle participe au maintien de la bonne santé mentale. 23 articles ont été retenus et regroupés en trois catégories : études corrélationnelles et qualitatives, études de laboratoire et interventions avec des jeux sérieux. Les premières études montrent que les jeux vidéo peuvent augmenter l’intelligence émotionnelle (définie comme la capacité à percevoir, reconnaitre et réguler ses émotions pour maintenir le bien-être et la croissance intellectuelle) et une meilleure maitrise des stratégies de régulation émotionnelles, dans le cadre du jeu vidéo excessif, la relation peut s’inverser. Les études expérimentales montrent que lorsque les jeu vidéo satisfont les besoins intrinsèques de compétence et d’autonomie, l’effet sur l’humeur est positif. Cette relation est trouvée avec les jeux vidéo violents. Enfin, les études sur les jeux vidéo sérieux montrent qu’il est possible de créer des jeux vidéo pour aider des personnes à réguler leurs émotions. En conclusion, les jeux du commerce et les jeux sérieux offrent des opportunités pour améliorer les compétences de régulation des émotions
Zhao, J., Yu, Z., Sun, X., Wu, S., Zhang, J., Zhang, D., ... & Jiang, F. (2022). Association Between Screen Time Trajectory and Early Childhood Development in Children in China. JAMA pediatrics, 176(8), 768-775.
L’étude menée par Jin Zhao et ses collègues auprès de jeunes enfants chinois explore la relation entre le développement de jeunes enfants et leurs expositions aux écrans. Sans surprise, les résultats montrent une relation négative entre l’utilisation précoce d’écrans par de jeunes enfants et leur développement cognitif, social et émotionnel. Cette recherche confirme donc des éléments connus de longue date, mais elle reste intéressante dans la manière dont les chercheurs ont constitué leurs groupes. Les 152 enfants âgés de 6 à 72 mois ont été affectés au trois groupes : une exposition faible continue, une exposition forte du temps d’écran à 36 mois et une augmentation croissance précoce, c'est-à-dire une grande quantité de temps d’écran dans les premiers stades et qui reste stable apres l’âge de 36 mois. Le développement cognitif des enfants a été évalué à 72 mois avec la WISC. Les chercheurs ont choisi le Strenghts and Difficulties Questionnaire pour évaluer le développement socio-affectif. Comparativement au groupe à exposition faible continue, le groupe a exposition précoce a des scores de Quotient Intellectuel, d’Aptitude Générale et d’indice de Compétence cognitive plus faibles. Les résultats au Strenghts and Difficulties Questionnaire montrent que les enfants précocement exposés aux écrans ont plus de difficultés que les autres. Le temps d’écran contribue autour de 8% à ces problèmes
Lemmens, J. S., & Weergang, I. A. (2023). Caught Them All: Gaming Disorder, Motivations for Playing and Spending among Core Pokémon Go Players. Entertainment Computing, 100548.
Qu’est-ce qui motive les joueurs de jeu vidéo ? pour répondre à cette question, Jeroen Lemmens et Ilse Weergang ont ananlysé les réponses de 1630 joueurs de Pokémon Go. Ils ont examiné les réponses à un questionnaire des joueurs qui étaient le plus avancés dans le jeu (Dresseur 25 et au delà). le questionnaire permettait d’évaluer les besoins de compétence, d’autonomie et de relation qui sont les principaux motivateurs selon la théorie de l’auto-détermination. 1630 questionnaires ont pu être traités. En plus des motivations, les joueurs ont répondu sur leurs temps de jeu, à des questions évaluant l’addiction aux jeux vidéo (IGD et GD), à des questions évaluant l’anxiété sociales et leurs achats dans le jeu Pokémon Go!
L’analyse statistique des résultats trouve des corrélations fortes entre le besoin de compétence, de relation, Pokémon go et les achats faits dans la boutique du jeu. Les joueurs masculins vont jouent à Pokémon Go davantage pour satisfaire leurs besoins de compétence et de relation comparativement aux joueuses. De leur coté, celles-ci apprécient ce jeu parce qu’elles peuvent satisfaire leur besoin d’autonomie. La majorité des joueurs ont dépensé de l'argent pour acheter des objets ou des capacités dans le jeu, dont la plupart étaient liés au besoin de compétence.
L’étude est intéressante parce qu’elle ajoute un élément dans la discussion sur l’addiction aux jeux vidéo. Plus précisément, elle permet de construire des différences entre le jeu excessif, obsédant ou problématique et l’addiction aux jeux vidéo. Selon cette recherche, 8% des joueurs répondent aux critères de l’addiction aux jeux vidéo (IGD). Ils sont 1% avec les critères du GD. les auteurs notent que les critères de l’IGD ont pour défaut de stigmatiser, stigmatiser les joueurs très engagés, qui peuvent en effet présenter des signes de jeu excessif et obsessionnel, mais qui ne présentent pas d'altération significative de leur vie en raison de leur jeu.. Ils considèrent que les critères du GD sont de meilleure qualité, mais reste loin ce qui est considéré comme idéal.